Soixante kilomètres par jour, pour des conteneurs de 300 à 400 kg: ce sont les flux logistiques du centre hospitalier d'Alès-Cévennes (270 lits) et du centre hospitalier intercommunal de Castres-Mazamet (430 lits). Ces déplacements ne s'y font plus à la force des bras, mais grâce à des véhicules autoguidés (AGV) installés en 2008.
Ces deux établissements font partie des premiers hôpitaux français à avoir adopté les "tortues" de la société autrichienne DS Automotion, dont la filiale française a ouvert en 2006. Ils en possèdent respectivement quatre et cinq, réalisant 220 et 450 transports par jours.
Les "tortues", surnommées ainsi par les agents hospitaliers à cause de leur forme, sont des véhicules programmés pour réaliser des trajets dans les hôpitaux. Ils reçoivent un ordre et automatiquement se dirigent vers l'endroit indiqué, en utilisant les ascenseurs si besoin. Sur place, ils se glissent sous les conteneurs, les soulèvent et se dirigent vers leur destination. Leur mission terminée, ils peuvent enchaîner sur un autre trajet ou rentrer à la gare, où des bornes de recharge sont installées.
"Tout est géré par un ordinateur central, explique Farida Serradj, ingénieure technico-commerciale chez DS-Automotion. Le personnel doit simplement disposer les conteneurs aux endroits prévus à cet effet, pour que l'AGV puisse le trouver à l'heure prévue et faire son parcours." En cas de changement des besoins, il suffit de programmer un nouveau parcours, que l'appareil suivra à la lettre. "De tels appareils induisent une organisation rigoureuse des flux", prévient Vincent Bernard, directeur commercial AGV chez Swisslog. La société qui a acquis en 2012 l'activité hospitalière de JBT France est l'autre acteur du secteur.
Linge, plateaux-repas, déchets ménagers, articles du magasin, archives… Tous les flux des hôpitaux peuvent être gérés par ces machines, qui circulent seulement dans les galeries dédiées à la logistique afin d'éviter tout contact avec le public.
Un retour sur investissement en 2 ans
"Les hôpitaux français sont des précurseurs dans le domaine des véhicules autoguidés, rappelle Vincent Bernard. Dès les années 1970, on trouvait dans de nombreux hôpitaux français des véhiculés guidés par câbles." Aujourd'hui, la technologie a évolué et les véhicules se déplacent par guidage laser ou grâce à des pins magnétiques placés sur le sol.
Ces nouveaux systèmes nécessitent moins de travaux que les précédentes solutions et d'adaptent donc à la grande majorité des bâtiments. Si les hôpitaux neufs sont "quasi-systématiquement" équipés d'un système d'AGV, assure-t-on chez Swisslog, les bâtiments anciens s'intéressent de plus en plus au système. "En cas de remplacement d'un système à câble, on essaye de conserver au maximum l'existant (gares de triage, bornes de recharge, etc.) pour limiter l'investissement", précise Vincent Bernard.
Et pour les autres, le bâti existant est rarement un problème : les seules contraintes sont la largeur des couloirs (1m87 minimum), la taille des ascenseurs et le poids qu'ils peuvent supporter. Les tortues pèsent en effet entre 300 et 400 kilos et peuvent transporter des charges jusqu'à 500 kg.
Si de grands projets ont été mis en place – 71 AGV pour la clinique de l'université de Cologne (1350 lits) en Allemagne, par exemple – certains établissements se contentent de trois, quatre, voire d'un seul véhicule."Nous adaptons notre offre aux besoins de l'établissement", insiste Farida Serradj. Cette flexibilité assure un retour sur investissement "de deux ans en moyenne", précise Vincent Bernard. Et lui de citer, comme source d'économies, la baisse des dégradations induites par le transport manuel sur les murs, les conteneurs et les ascenseurs.
Autre avantage des AGV: "ils soulagent le personnel, note Fardia Serradj. On sait que ces postes logistiques sont difficiles, avec beaucoup d'accidents, de problèmes musculaires, et un turn-over important."
Les deux sociétés proposent, outre l'installation du matériel, des contrats de maintenance et d'exploitation. C'est la solution adoptée par le nouveau CHU de Dijon Bocage Central, qui accueille une équipe de Swisslog, ou encore du CHR de Metz-Thionville, où sont basés trois salariés de DS Automotion. Les AGV sont néanmoins développés pour être exploitables par le client final, après une formation du personnel.
Alors que plusieurs milliers d'unités ont été déployées, les "tortues" vont-elles perdre leur surnom ? Une nouvelle ligne d'appareils arrive sur le marché. Ils ne se glissent plus sous les conteneurs, mais disposent de fourches, à l'image des transpalettes classiques. Leur atout: ils permettent de soulever tout type de charges, de l'armoire à pharmacie aux bacs à linge. "80% de nos installations prévues sont des solutions à fourche", indique Vincent Bernard, en précisant que Swisslog n'entend néanmoins pas abandonner la fabrication de tortues. L'entreprise annoncera d'ailleurs une nouvelle ligne de produits au mois de mars. /mb